Des cœurs pas mécaniques pour des nourrissons : le projet LifeValve

Il y a quelques semaines, j’ai regardé Jack et la mécanique du cœur au cinéma. Ce film d’animation1 français raconte l’histoire de Jack, un enfant né avec un cœur gelé, puis sauvé grâce à une horloge mécanique greffée à la place de ce cœur. Jack peut vivre ainsi, à condition de remonter régulièrement son horloge et d’éviter toute émotion forte.

La fiction peut avoir un fond de réalité : un grand nombre de nouveaux-nés sont dans la même situation que Jack. Comme lui, ils n’ont pas eu la chance d’avoir un cœur qui marche, et, comme lui, ils doivent subir une opération, mais pas seulement une, pour pouvoir vivre.

Un projet financé par l’Union Européenne, LifeValve, va mettre en place un dispositif innovant pour améliorer les conditions de vie de ces enfants.

Une déformation du cœur qui pose problème pour toute une vie

Environ un enfant sur cent est né avec un cœur déformé et une bonne partie d’entre eux a besoin d’une opération chirurgicale à cœur ouvert2. La plupart de ces déformations se situent au niveau des valves cardiaques. Pour rappel, une valve cardiaque est une partie du cœur qui sépare ses différentes cavités (voir le schéma ci-dessous) et qui empêche le sang de refluer dans le mauvais sens.

Il arrive que les valves ne fonctionnent pas bien. Cette anomalie, aussi appelée valvulopathie cardiaque peut se manifester à tout moment de sa vie, mais aussi dès la naissance. Ce qui est le cas d’une bonne partie ces 1 % de nouveaux-nés. Certains d’entre eux doivent subir une opération à cœur ouvert pour y implanter des valves artificielles.

Cette prise en charge n’est pas exempte de complications, même en cas de réussite de l’opération.

Il y a d’abord celles liées au valves artificielles qui sont de deux sortes : les valves mécaniques, généralement en titane et carbone, et les valves biologiques, à base de tissus animaux chimiquement traités (souvent des valves de porc, parfois de donneurs humains). Les premières, bien que relativement durables, nécessitent l’usage constant d’anticoagulants pour éviter les thromboses. Les secondes, faites de tissus morts, se dégradent à la longue et doivent être remplacées à intervalles réguliers. Enfin, étant des corps étrangers, ces prothèses artificielles peuvent causer des infections et risquent d’être rejetées par l’organisme du patient (pour plus de détails, voir ce cours de cardiologie de l’Université de Nantes).

Les problèmes liés aux prothèses concernent 30 à 35 % des patients sur une période de 10 ans3. Pour les enfants, cela se complique par le fait que les valves ne grandissent pas avec eux. Par conséquent, plus d’opérations, à cœur ouvert, sont nécessaires pour leur implanter de nouvelles valves. De telles opérations ne sont pas sans risques pour leur survie.

Résultat : beaucoup de souffrances pour l’enfant durant toute sa vie, qui risque de ne pas être très longue.

Le projet LifeValve : un cœur qui grandit avec l’enfant, une implantation en douceur

Mais les résultats du projet LifeValve peuvent faire changer cet état des choses. Il s’agit d’un projet financé par le 7e Programme Cadre de l’Union Européenne, à la hauteur de 9.9 million d’euros pour une durée de 5 ans depuis novembre 2009 (pour plus d’informations voir la page du projet).

LifeValve est coordonné par le Professeur Hoerstrup de l’Université de Zurich de Médecine Regénérative, et réunit 8 entités de recherche académique et industrielle issues de cinq pays différents. C’est un exemple de collaboration internationale dans le monde scientifique : sans les apports spécialisés des différents participants, LifeValve n’aurait jamais pu voir le jour.

Pour développer une nouvelle stratégie thérapeutique, les chercheurs de LifeValve vont utiliser deux technologies innovantes : l’ingénierie tissulaire et l’implantation par mini-invasion.

Flowchart of LifeValve project

Schéma du projet LifeValve

L’ingénierie tissulaire consiste à fabriquer des tissus organiques avec les cellules du patient lui-même. Dans ce cas-ci, on prélève les cellules du fœtus, du nourrisson ou de son placenta, on les dispose sur un matériau biodégradable, et on les laisse se développer in vitro jusqu’à ce que les cellules prennent la forme d’une vraie valve cardiaque. Contrairement aux autres formes de prothèses, cette valve recréée n’est pas rejetée par le corps du patient mais va se régénérer et grandir avec lui. Aucun remplacement de valves n’est donc nécessaire.

La deuxième technologie, l’implantation par mini-invasion (en anglais : minimally invasive implantation) consiste à introduire des implants dans le corps avec un forage minimal, en introduisant, par exemple, un cathéter par un trou dans le corps. Grâce à cette technique, les opérations à cœur ouvert ne sont plus nécessaires. Une implantation par mini-invasion réduit les risques de l’opération et augmente les chances de survie du patient.

La combinaison de ces deux technologies permettra une amélioration significative des conditions de vie de ces nourrissons.

Un résumé de ce projet, en anglais, est illustré par cette vidéo.

Un projet prometteur

Le dispositif innovant de LifeValve n’est pas encore au point. De plus, le processus de fabrication est relativement coûteux et difficile à commercialiser. Pour convaincre les autorités, les différents partenaires doivent travailler ensemble pour évaluer l’efficacité et la sûreté de leur produit technologique4. Les premiers tests devront avoir lieu cette année.

Le succès de ce projet sera synonyme d’une vie meilleure pour ces nouveaux-nés aux valves déformées. On souhaite donc, à ces enfants, un futur bien plus joyeux que celui de Jack du film Jack et la mécanique du cœur.

Notes :
1. Note aux jeunes parents : c’est une histoire très belle, mais aussi très triste. Déconseillé aux moins de 10 ans.
2. Lifevalve – GROW YOUR OWN – THE “LIVING” HEART VALVE REPLACEMENT
3. LifeValve Project: background
4.Voir la vidéo liée à ce lien

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