Ma critique du film Interstellar

Je dois vous avouer quelque chose : je ne suis pas fan de films de science-fiction, particulièrement ceux de Hollywood. Scénarios pauvres, mondes futuristes clichés, le tout noyé dans des effets spéciaux rocambolesques et irréalistes, ces films font triste figure comparé à la littérature du genre.

Pourtant, Interstellar semble faire partie de ceux qui sortent du lot. D’ailleurs, les noms de Christopher Nolan comme réalisateur et du physicien Kip Thorne comme conseiller scientifique du film, garantissent au moins que ce film mérite son étiquette de « science-fiction ». Et les innombrables revues positives de ce long métrage (que je n’ai néanmoins pas lu en détail, pour éviter tout spoiler) m’ont finalement poussée à le regarder.

Alors, voir Interstellar en vaut-il la peine? Je dis oui!

Interstellar : vaisseau spatial

(Crédits : Paramount Pictures)

En entrant dans la salle de cinéma, je n’étais cependant pas très rassurée. Interstellar n’est sûrement pas un monceau d’incohérences scientifiques « à la Roland Emmerich »1, mais je n’avais nulle envie de me taper trois heures d’exposé d’experts et/ou d’expériences conceptuelles ennuyeux. Autant alors regarder un documentaire sur les trous noirs ou sur les trous de ver (comme celui-ci ou celui-là par exemple). Un film de science-fiction reste avant tout un film, et non une gymnastique pour les neurones.

Mais je n’avais pas à m’inquiéter. Tout de suite, j’étais plongée dans l’histoire. La base de celle-ci est elle-même assez simple : une Terre qui se meurt, les récoltes qui dépérissent année après année, ravagées par une poussière dévastatrice, et la race humaine condamnée à mourir de faim ou d’intoxication. Mais il y a un espoir pour elle : il suffit de trouver une planète habitable grâce au passage à travers un trou de ver fraîchement apparu. Ce projet secret de la NASA réunira des scientifiques brillants et courageux ainsi que le héros de l’histoire, Joseph Cooper. Ancien pilote de la NASA reconverti en agriculteur, Cooper fera le choix douloureux d’abandonner ses enfants pour leur assurer un avenir et sauver l’humanité.

Trou noir dans Interstellar

Trou noir dans Interstellar (Crédits: Paramount Pictures)

Nulle part, Nolan n’explique pourquoi la planète Terre est devenue invivable. Le beau-père de Cooper mentionnait une humanité autrefois avide et insatisfaite, mais les explications ne vont pas plus loin. Clairement, Interstellar n’est pas un film écologique. Le propos est ailleurs : quelle place donner aux explorateurs, dans un monde uniquement orienté vers la survie de l’espèce? Cooper, un ancien ingénieur passionné par les sciences et la découverte, a bien du mal à vivre avec sa frustration. C’était par dépit qu’il était devenu agriculteur. A son époque, la société réclame surtout des « gardiens », des personnes qui assurent à l’humanité assez de nourriture pour qu’elle continue à vivre. Les ingénieurs, les scientifiques et explorateurs, on n’en a plus besoin, lui assure la principale de l’école de ses enfants. On sent la déception de Cooper lorsqu’il apprend que son fils ne peut pas aller à l’université malgré ses bonnes notes. On peut même ressentir de la colère lorsque cette même principale affirme sans ciller que l’homme n’a jamais été sur la Lune (affirmation infondée scientifiquement parlant), justifiant ainsi l’exclusion pure et simple de la fille de Cooper, la très intelligente Murph2. Obscurantisme, rejet de la science et de l’aventure, la vie ne devait pas être gaie pour notre héros.

Nolan a pris parti pour les explorateurs. Et, comme « exploration » cinématographique, nous sommes bien servis. Des planètes aux mondes étranges et contrastés, des voyages spatio-temporels vertigineux, le tout couronné d’une finale multidimensionnelle qui rappelle Inception. Mentionnons aussi la bande-son du fameux Hans Zimmer qui sait à cette occasion être minimaliste et mettre en valeur l’absence de son qui se propage dans l’espace. Cette musique me fait d’ailleurs penser à celle de « 2001, l’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick. En résumé, Interstellar est une pure merveille esthétique.

Interstellar : trou de ver

Trou de ver dans Interstellar (Crédits: Paramount Pictures)

Coté scientifique, on peut dire que la base est solide. Kip Thorne avait déjà lui-même suggéré à Carl Sagan un voyage à travers un trou de ver pour son livre Contact (plus tard adapté en film par Robert Zemeckis en 1997). Interstellar va un pas plus loin, avec sa mise en pratique de la dilatation du temps et sa représentation très plausible d’un trou de ver et d’un trou noir, basée sur les calculs du physicien (même si elle ne collerait pas exactement à la théorie : voir la critique de Jean-Pierre Luminet). Malgré cela, la science-fiction a aussi une part spéculative, et on peut se demander si un trou de ver peut exister ou si on peut passer à travers un trou noir sans mourir écrasé (voir la critique de Science et Avenir et celle de Pierre Barthélémy). Il y a aussi d’autres détails qui me paraissent peu plausibles, comme des nuages de glaces un peu trop denses selon les lois de la physique ou une exploration des planètes peu crédible. Je pense que les astronautes auraient beaucoup à gagner en utilisant plus souvent des machines et des robots (ce qui aurait diminué les risques de la mission, mais aurait aussi changé le scénario). Enfin, nulle part on a envisagé de trouver des solutions agricoles pour le problème des récoltes. Même dans ce monde qui rejette la science, je pense qu’on aurait bien pu chercher à résoudre le problème de l’excès d’azote dans l’atmosphère, excès qui condamne toute vie sur Terre.

Diagramme montrant comment un trou noir dévie la lumière (Diagramme mis à disposition par Kip Thorne)

Diagramme montrant comment un trou noir dévie la lumière (Diagramme mis à disposition par Kip Thorne)

L’histoire elle-même n’est pas dénuée de défauts. Tout d’abord, elle est trop centrée sur les Américains. On n’a aucun signe de l’existence d’être humains d’autres pays, comme si les États-Unis serait la seule nation existant sur Terre (ou bien les autres nations humaines auraient-elles déjà toutes disparu?). Ce projet de la NASA aurait pourtant largement bénéficié de la collaboration internationale, comme c’est le cas aujourd’hui. C’est le même genre de reproche que j’émets pour le film Contact de Zemeckis, alors que l’aspect international de la science est bien mis en valeur dans le livre éponyme de Sagan (qui est aussi la version originale). De même, si on parle de la sauvegarde de l’humanité, on ne mentionne nullement celle des autres espèces animales (auraient-elles aussi toutes disparu?). Seul l’humain, Américain en particulier, compte dans l’histoire. Et cet Américain, c’est surtout Joseph Cooper, ses coéquipiers ne jouant que le rôle de faire-valoir.

Malgré ces quelques réserves, le côté aventure spatiale l’emporte largement chez moi. L’aspect immersif du film allié à une base scientifique solide le rapproche de ses prédécesseurs, « 2001, l’Odyssée de l’espace » et « Contact » (même si, selon moi, il reste encore derrière ces deux-là). Bref, Interstellar est un bon film de science-fiction qui vaut la peine d’être vu en cette fin d’année.

 

Quelques autres liens intéressants sur la science d’Interstellar:

D’autres liens en anglais :

Et un petit bonus plein d’humour :

Une parodie d’Interstellar : Intersoucoupe

 

Notes :
1. Que tous les fans de ce réalisateur me pardonnent, mais nombre de spécialistes vous assureront que ses films ne brillent pas pour leur exactitude scientifique.
2. SPOILER : Cette même Murph deviendra plus tard une physicienne de génie, qui sauvera l’humanité (avec l’aide de son père), justifiant ainsi l’utilité de la science, même la plus abstraite, pour la survie de l’humanité.

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2 réponses à Ma critique du film Interstellar

  1. Teknovore dit :

    Belle analyse du film! Je ne vois rien à objecter. Et bravo pour les articles du blog, très heureux d’avoir découvert ce site! Bonne continuation.